Eternal sunshine of the Spotless mind,

Michel Gondry.

 

http://filmaholic.cowblog.fr/images/19253739jpgr760xfjpgqx20100222062118.jpgQui n'a jamais pensé à supprimer toutes traces d'un amour passé ? A en effacer jusqu'au souvenir même de la personne avec qui l'on a passé une semaine, deux mois, trois ans ? Juste oublier, l'oublier. Et si cela était possible ? Et si, en une nuit, tout cela s'évaporait, ne vous laissant alors pour seule et unique vestige de vos souvenirs, une mauvaise gueule de bois ? Et si, alors que vous supprimez vos souvenirs, vous vous rendez compte que cette personne là vous est essentielle ? Et si...

 

Et si, un matin disons le jour de la Saint Valentin vous décidez sur un coup de tête, ce qui n'est pas dans vos habitudes, de sécher le travail et prendre un train pour Montauk ? En chemin, vous rencontrez cette Clémentine – Kate Winslet – une jeune fille aux cheveux bleu ruine. Elle déteste l'adjectif « nice » et les jeux de mots sur son prénom. Elle est impulsive, angoisse pour un rien, pleure, se vexe. Vous êtes charmé, vous passez la soirée et la nuit avec elle. Elle choisit de dormir chez vous et va chercher sa brosse à dent. Est-ce son naturel ou sa nonchalance qui vous donne cette impression-là ? Toujours est-il que cette Clémentine vous est bien familière. L'instant d'après, vous êtes en larmes.

 

C'est ainsi qu'Eternal Sunshine of the spotless mind commence, nous intriguant dès le début par son propos et sa structure. A partir de ce moment, tout le film se construit selon deux mouvements principaux et essentiels : le premier, correspond à l'effacement progressif des souvenirs de Joel – Jim Carrey. Son histoire avec Clémentine défile devant nos yeux, mais, dans un ordre chronologique inverse : aussi étrange que cela puisse paraitre, leur histoire nous est présentée telle un compte à rebours, et au bout de celui-ci se trouve l'effacement total de leur amour. Chaque souvenir découvert disparait aussi tôt. Chaque instant volé, de leurs disputes à leur discussions les plus intimes, est lentement dissous. Et Joel va bien vite trouver cela insoutenable. Si les instants vécus sont éphémères, d'autant plus les instants en compagnie l'être cher, leurs souvenirs est sensé perdurer, s'inscrire dans votre mémoire, s'inscrire dans votre vie. Dores et déjà leur effacement rajoute à la nostalgie une angoisse d'abandon, de perte d'une partie de soi Car c'est bien là le deuxième mouvement du film : Clémentine est essentielle à Joel. Les souvenirs défilent et lui se rend compte petit à petit de l'erreur qu'il a faite. La colère du début va vite laisser place à des sentiments plus modérés. Ce qui les as séparés va bientôt paraître futile, petites choses inhérentes à tout couple et qui se règlent avec un peu de communication et de concession.

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Car c'est bien là que semble se trouver le propos de Gondry. Une histoire d'amour peut être belle, les sentiments peuvent être sincères, pour autant, la vie de couple n'est pas toute rose. Si cette histoire est onirique, elle n'en reste pas pour le moins vraie, c'est à dire éloignée de tout propos idéalistes. Un couple est fait de désaccords, de différents, d'incompréhensions, le tout est de savoir y faire face. Clémentine en est consciente. « Tu vas t'ennuyer, voir mes défauts ». Et pourtant, Joel accepte, une nouvelle fois. Ce qui sont fait pour être ensemble finiraient-ils donc toujours main dans la main à la fin du livre ? Leur cas n'est pas isolé, Marie – Kristen Dunst- ne retombe-t-elle pas dans les bras d'Howard, scientifique à la base du processus d'effacement, après avoir subit le même sort que Joel et Clémentine ?

 

Ainsi, la « nouvelle vie n'attendant que vous » promise par l'entreprise Lacuna une fois vos souvenirs effacés, en plus d'avoir l'aspect d'une mauvaise publicité, se révèle être mensongère. Les personnes aussitôt séparées, se retrouvent, et retombent amoureux. Car il est certaine chose que la science ne peut maitriser. Les souvenirs, le libre arbitre ou encore l'amour en font partie. Et ainsi la complexité du montage, que ce soit par sa représentation de la temporalité ou de l'espace, qui sont sans cesse décousus tel un puzzle, semble être le miroir de la complexité de l'être humain en général. Le film est ainsi parfois insaisissable. Gondry jongle entre le présent et les souvenirs. les conversations inventées entre Joel et Clémentine se fondent dans cette rétrospective de moment vécus. L'espace des souvenirs est incohérent : nous passons d'un lieu à un autre, sans lien logique, comme la mémoire passe d'une idée à une autre. Les souvenirs sont altérés et incomplets. Ils sont un mélange de fantasmes et de vécus, des rêves éveillés, en quelque sortes.

 

Le climax du film, c'est à dire étrangement leur première rencontre, grâce à cette forte dimension onirique, n'en est que plus fort. La mise en perspective des souvenirs et des regrets crée une équation unique. La première rencontre dans un film romantique, c'est cette chose étrange, magique et ideale qui n'existe, sauf rares exceptions, que dans cet espace filmique. Bien souvent, elle consiste en un coup de foudre à l'eau de rose et l'explosion des sentiments se fait généralement rapidement après qu'elle ait eu lieu. Jouant avec ces codes, c'est ce qui va concrètement se passer entre Joel et Clémentine, et pourtant. Et pourtant leur seul et unique « je t'aime », prononcé à près d'1h30 de film, nous semble terriblement vrai et réfléchit. Ce « je t'aime » est loin de la superficialité d'une déclaration faite à une inconnue. Leur première rencontre correspond au point 0 du compte à rebours, certes, mais ce point 0 symbolise avant tout leur renouveau.

 

Et nous voici de retour au début du film. La boucle est bouclée. Ils se rencontrent à Montauk comme le demandait Clémentine, le jour de la Saint Valentin et retombent amoureux. Leur amour est comme cette glace sur laquelle ils s'élancent pour regarder les étoiles : bel et bien incassable malgré les fêlures de leur désaccords. Quoiqu'il arrive, s'ils ont la force de rester en dehors des faiblesses que sont ces craquelures dans la glace, ils pourront continuer à regarder les étoiles tout en se reposant sur la force de leurs sentiments, et ainsi être heureux, tout simplement.

Cinématographiquement vôtre,
V.

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